La puissance de la joie
par Frédéric Lenoir
Spiritualité, philo
23 février 2022
[social_warfare]
Temps de lecture : 7 min
Peut-on faire durer la joie, cette expérience intense, imprévisible et généralement de courte durée ? Pour Frédéric Lenoir, la réponse est oui : en pratiquant la « déliaison », qui consiste à aller vers soi puis la « reliaison », qui consiste à aller vers les autres, il est possible de cultiver la joie de vivre qui nous a été donnée à la naissance.
« La joie ne se commande pas, elle s’invite. »
Frédéric Lenoir
Présentation de La puissance de la joie (Ed. Fayard, 2015)
Existe-t-il une expérience plus désirable que celle de la joie ? Plus intense et plus profonde que le plaisir, plus concrète que le bonheur, la joie est la manifestation de notre puissance vitale. La joie ne se décrète pas, mais peut-on l’apprivoiser ? La provoquer ? La cultiver ?J’aimerais proposer ici une voie d’accomplissement de soi fondée sur la puissance de la joie. Une voie de libération et d’amour, aux antipodes du bonheur factice proposé par notre culture narcissique et consumériste, mais différente aussi des sagesses qui visent à l’ataraxie, c’est-à-dire à l’absence de souffrance et de trouble. Pour ma part, je préfère une sagesse de la joie, qui assume toutes les peines de l’existence. Qui les embrasse pour mieux les transfigurer. Sur les pas de Tchouang-tseu, de Jésus, de Spinoza et de Nietzsche, une sagesse fondée sur la puissance du désir et sur un consentement à la vie, à toute la vie……Pour trouver ou retrouver la joie parfaite, qui n’est autre que la joie de vivre. Frédéric Lenoir.
Qu’apprend-on dans La puissance de la joie ?
Pour Frédéric Lenoir, il existe trois grandes voies d’accès à la joie :
- un chemin qui favorise son émergence à travers certaines attitudes (Cf Chapitre 3)
- un chemin de « déliaison », c’est-à-dire de libération intérieure
- un chemin de « reliaison », de communion avec le monde
Les deux dernières voies, différentes et complémentaires, sont les seules susceptibles de nous procurer une joie durable. En effet, la « déliaison », qui consiste à aller vers soi et la « reliaison », qui consiste à aller vers les autres, convergent vers la « joie parfaite », celle qui n’est plus liée à une cause extérieure et que rien ne peut tarir.
L’auteur explique d’abord (Chapitre 1 : Le plaisir, le bonheur, la joie ) la différence entre le plaisir (satisfaction d’un besoin ou d’un désir, pas durable), le bonheur (état de félicité permanente qui se construit) et la joie (expérience à la fois mentale et physique intense, en réaction à un événement, et de durée limitée).
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Un terreau propice à la venue de la joie
- Lenoir évoque (Chapitre 2 : Les philosophes de la joie), les philosophes qui ont fait de la joie un élément essentiel de leur enseignement comme Spinoza, Nietzsche et Bergson.
Il en déduit (Chapitre 3 : Laisser fleurir la joie) qu’il existe un état d’esprit et des comportements spécifiques qui permettent de créer un terreau propice à la venue de la joie.
Il s’agit de :
- L’attention
- La présence
- La méditation
- La confiance et l’ouverture du cœur
- La bienveillance
- La gratuité
- La gratitude
- La persévérance dans l’effort
- Le lâcher-prise et le consentement
- La jouissance du corps
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Malheureusement, la joie ressentie et accueillie lorsqu’on adopte ces attitudes est éphémère. La question qui se pose (Chapitre 4 : Devenir soi) est donc : comment créer un état pour rendre la joie plus constante, voire permanente ?
La « déliaison » ou la joie de la libération
Le travail de « déliaison » s’entreprend au moment de la vie, généralement entre 35 et 50 ans, où l’on se défait des valeurs et croyances dont on a hérité et qui nous encombrent. Nous prenons alors conscience de ce qui ne nous convient pas mais aussi de ce que nous sommes vraiment, de notre nature profonde.
« Connais-toi toi-même. »
Socrate
L’introspection, parfois soutenue par un travail thérapeutique, nous permet de découvrir qui nous sommes vraiment en nous délivrant du regard des autres, à commencer par celui de nos parents, et de tout ce qui nous empêche de grandir, de nous épanouir.
Mais il s’agit aussi de nous libérer de notre conditionnement intérieur : celui de nos affects, de nos émotions, de nos pulsions, de nos désirs, de nos croyances. Pour gagner en liberté, et donc en joie, il faut apprendre à briser les chaînes de notre esclavage intérieur. Car, bien souvent, nous sommes d’abord esclaves de nous-mêmes, et savoir cela est un antidote à la victimisation. Il est tellement plus simple d’incriminer les autres de tous nos problèmes !
« On ne naît pas libre, on le devient. »
Spinoza
Tant que nous n’avons pas effectué ce travail intérieur de connaissance de soi et de lucidité, nous ne sommes mus que par nos émotions, nos désirs, nos passions, nos croyances, notre imagination, nos opinions. Toutes les actions que nous pensons mener « librement » sont en fait dictées par notre affectivité et nos croyances.
Un être humain qui est parvenu à surmonter ses passions, à les transformer en joies actives, ne peut plus nuire à autrui. Il a vaincu en lui l’égoïsme, la jalousie, l’envie, le besoin de dominer, la peur de perdre, le manque d’estime de soi ou une trop grande estime de soi, bref tout ce qui crée les conflits entre les individus et les guerres entre les peuples. La véritable révolution est intérieure.
« C’est en se changeant soi-même qu’on changera le monde. »
Gandhi
La « déliaison » ou la joie de la communion
Une fois accompli ce travail que Frédéric Lenoir appelle la « déliaison », un chemin de « reliaison » à l’autre (Chapitre 5) peut alors être entrepris. La voie la plus commune est l’amour profond qui unit aussi bien des amis que des couples et qui est le fondement de toute relation humaine authentique : on choisit une personne avec laquelle on partage un projet, un désir de « faire une œuvre commune », que ce soit fonder une famille ou bien développer une amitié sur un partage d’échanges, de loisirs, de connaissances, etc.
Cet amour est fondé sur la réciprocité. Il n’est pas à confondre avec la passion amoureuse qui n’est pas durable. Dans sa forme la plus authentique, l’amour relie deux êtres autonomes, indépendants, libres de leurs désirs et de leurs engagements.
Il existe un autre type de relation d’amour que la passion amoureuse ou l’amour d’amitié, lesquels, on l’a vu, sont fondés sur un choix mutuel et la réciprocité. C’est l’amour inconditionnel, celui que peuvent ressentir des parents pour leur enfant ou celui qui nous habite quand nous aidons quelqu’un de manière désintéressée.
« Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. »
Paul, acte des apôtres
L’amour de la nature et des animaux, enfin, permet d’entretenir des relations respectueuses avec tous les êtres sensibles et de s’accorder au monde. En faisant l’inverse, l’Homme se désaccorde de son environnement naturel, le violente, et, tôt ou tard, le paiera cher. Contempler la nature plutôt que la dominer permet d’approcher le sacré.
La joie parfaite
Comment atteindre dès lors cette joie pure ou parfaite dont parlent les sages et les mystiques du monde entier (Chapitre 6) ? Transcender son ego et abandonner la boussole du mental sont indispensables pour retrouver l’accès aux plus grandes joies, celles qui viennent du réel, de la rencontre avec le monde tel qu’il est et avec les autres tels qu’ils sont. Car ces deux instances, l’égo et le mental, nécessaires à notre survie, ont établi un filtre entre le réel et nous.
Sans les nier, il faut simplement cesser de voir l’ego et le mental comme les uniques pilotes de nos existences, leur retirer le contrôle de notre vie. « Lâcher l’ego », c’est-à-dire cesser de s’identifier à lui ne signifie pas le tuer, ni supprimer la personnalité et le sentiment d’individualité sur laquelle elle se fonde.
La joie parfaite, prévient Frédéric Lenoir, n’est pas un basculement instantané mais un cheminement progressif. Nous vivons une joie pure chaque fois que nous mettons de côté, même ponctuellement, notre mental et notre ego, chaque fois que nous franchissons une étape importante, que notre conscience s’élargit, que nous sommes mieux accordés à la mélodie du monde. Pour la plupart d’entre nous, l’Éveil est une expérience graduelle.
La joie de vivre
On peut se demander pourquoi il faut faire de tels efforts pour accéder à une source de joie permanente et pourquoi cette joie ne nous est pas donnée d’emblée. En réalité, la joie parfaite nous est offerte dès notre venue au monde. Elle s’appelle la joie de vivre (Chapitre 7).
Cette joie-là, immédiate, naturelle, spontanée, on l’observe chez les enfants, avant qu’ils commencent à raisonner, à s’inquiéter. Il existe une phase de la petite enfance où l’ego n’est pas encore fortement constitué, ni le mental complètement construit ; le petit d’homme a encore accès à son intuition, à son Soi, il n’est pas prisonnier de son image et accède encore aux joies pures.
Mener une vie simple, comme de nombreux habitants de pays moins privilégiés que le nôtre, peut être source de joie de vivre. Recevoir la vie comme un cadeau, se réjouir du simple fait d’exister, mène à une joie simple que nous oublions trop souvent en Occident.
« L’homme est malheureux parce qu’il ne sait pas qu’il est heureux. »
Dostoïevski
C’est le propre de nos sociétés modernes : nous réfléchissons sans cesse à ce qui va nous rendre heureux, et nous en perdons le goût d’être simplement heureux dans notre vie quotidienne. Nos sociétés occidentales offrent de grands avantages : confort matériel, amélioration de nos conditions de vie, accès à des soins médicaux performants, liberté de choisir sa vie et de la construire sur des valeurs qui nous sont propres. Tout cela constitue un progrès considérable.
Mais force est de constater que nous avons bien souvent aussi perdu la joie de vivre, qui est celle de l’accueil spontané de la vie comme elle est, et non comme nous voudrions qu’elle soit. Nous sommes en permanence encombrés par un ego insatisfait et parasités par un mental qui entend tout contrôler.
La joie de vivre que nous avons perdue, celle de notre enfance, vit encore à l’intérieur de nous, telle une source enfouie sous un tas de cailloux. Cette source de joie est permanente, même si nous n’en percevons que quelques jaillissements occasionnels.
« La vie n’est qu’une suite de problèmes, mais le pire, c’est qu’elle s’arrête ! »
Woody Allen
Face au mal, à la douleur, à toutes les peines de l’existence, nous pouvons en effet accueillir la joie ou la refuser, choisir d’être heureux ou malheureux. La joie parfaite réside dans ce grand « oui sacré » à la vie, dans la force du consentement. Ce n’est pas en refusant les souffrances de la vie qu’on trouvera le bonheur, mais en les acceptant lorsqu’elles sont inévitables et en comprenant que nous pouvons aussi grandir à travers elles. Notre conscience du bonheur vient de notre connaissance du malheur, et la plupart de nos joies viennent de tristesses dépassées.
Épilogue : La sagesse de la joie
Le bonheur est sans doute à la mode pour le grand public, mais il n’a pas la cote chez la plupart des philosophes modernes. Pour eux, la quête du bonheur est soit impossible, soit inaccessible au commun des mortels, soit illusoire pour les Occidentaux, parce qu’ils ne sont plus insérés dans un cosmos sacré, parce qu’ils sont devenus trop individualistes, parce qu’ils sont trop sensibles à leur confort matériel.
Selon Frédéric Lenoir, il existe deux grandes quêtes qui entendent mener à un bonheur profond et durable. La première vise à l’ataraxie, à l’absence de trouble, à la sérénité. C’est celle à laquelle aspirent les épicuriens, les stoïciens ou le bouddhisme. Même si elle ne réprime pas les plaisirs, cette voie-là exige une vie plutôt ascétique.
La seconde quête de sagesse aspire davantage à la joie parfaite qu’à l’absence de trouble ou à la sérénité. Elle est moins portée sur la répression des passions et des instincts que sur leur conversion vers un accroissement de la joie. Elle ne prône pas un idéal de renoncement, mais de détachement, c’est-à-dire de vie joyeuse dans le monde, sans asservissement aux plaisirs mondains et aux biens matériels.
L’auteur conclut ainsi son livre :
« J’aime intensément la vie, toute la vie, je la sais infiniment précieuse. Parce que j’ai souffert et surmonté cette souffrance pour la transformer en joie, je connais le prix de la vie. Dès lors, je ne cesse de vouloir son plein épanouissement, non seulement pour mes frères et humains, mais aussi pour tous les êtres vivants.
C’est cette sagesse de la joie, inspirée de Spinoza comme des Évangiles, en laquelle je crois, vers laquelle je tends, que j’essaye, avec toutes mes faiblesses et mes fragilités, de vivre un peu mieux chaque jour et de transmettre avec bonheur. »
J’aime bien 👍
- Les références aux textes fondateurs de la philosophie ou de la religion
- La place accordée aux penseurs et traditions orientales
- L’écriture de vulgarisation qui en fait un livre très accessible
- La positivité qui en émane (un peu normal pour un traité sur la joie !)
J’aime moins 👎
- Le chapitre 3 sur l’état d’esprit à cultiver pour faire advenir la joie, que l’ai trouvé moins original.
À propos de Frédéric Lenoir
Frédéric Lenoir, né le à Tananarive (Madagascar), est un sociologue, écrivain, journaliste et conférencier français, docteur de l’École des hautes études en sciences sociales.
Auteur d’une cinquantaine d’ouvrages, il écrit aussi pour le théâtre et la télévision. Il a publié plusieurs ouvrages de sociologie et d’histoire des religions, des romans traduits dans une vingtaine de langues, des livres sur les crises du monde qui appellent à une responsabilité individuelle et collective et des essais qui popularisent la philosophie auprès d’un large public.
Selon un classement de l’institut GfK en 2016, il est l’intellectuel français qui a vendu le plus de livres au cours des cinq dernières années.
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Barbara Reibel
Coach Happiness, Auteure et Blogueuse
Fondatrice du site Happiness Factory et du blog En 1 mot
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